Erreurs d'orientation.
(Au passage, aujourd'hui, je suis majeure. Youpi.)
L'orientation est un évenement qui obnubile de nombreux élèves en troisième, seconde et terminale. Parce qu'à chaque fois, il va falloir décider de ce qu' "on fera" l'an prochain. Ou plutôt, d'où on sera.
Il y a des choix qui sont évidents. En troisième, il va souvent de soi pour certains élèves d'aller plutôt vers la seconde générale et technologique, ou plutôt vers une filière professionelle. D'autres choisissent comme ils peuvent, parfois contre l'avis de leurs professeurs, parfois sous pression des parents, parfois juste parce qu'il ne reste plus de place.
En seconde, c'est encore une histoire plus difficile. Parce que beaucoup, à l'entrée, ont un projet de filière, souvent S, allez savoir pourquoi (probablement parce que de de trop nombreuses personnes considèrent que faire des maths, c'est le top du top, et le seul moyen de vivre plus tard).
Je me rapelle que mon année de seconde, je l'avais très mal démarrée en sciences, particulièrement en maths. J'enchainais les 3, 4, 6 su 20, sans décoller, et ça me catastophait, parce qu'à l'époque, je voulais déjà faire S. Mais comme apparemment ça ne marchait pas, j'ai commencé à me renseigner sur les alternatives que j'avais, en restant dans les sciences : j'ai notamment pensé à la filière STI (science et technologie industrielle, je crois...), qui était dans un autre lycée. Et puis j'ai commencé à travailler les maths, à chacun de mes temps libres, avec acharnement et obstination. Mes notes sont remontées d'un coup, d'un DS à l'autre, je suis passée de 5 à 16. Et je ne suis jamais redescendue, ou de peu. J'ai donc pu aller en S assez facilement, et mes notes dans les autres matières prouvent que j'ai bien choisi (en même temps, je suis incapable de retenir un cours d'histoire...). Youpi.
Une de mes amies, M., avait de meilleures notes que moi en seconde. Elle projetait, elle aussi, d'aller en S, mais deux semaines avant de rendre les choix définitifs, elle a brusquement changé d'avis : en effet, elle n'aimait pas la physique-chimie, et adorait l'histoire et l'anglais, matières dans lesquelles elle se trouvait être très douée. La demoiselle a donc préféré aller en ES, au grand désespoir de notre prof principal de l'époque (HC, en plus), et contre l'avis de son père pour qui elle faisait un très mauvais choix. Conséquence ? Un parcours brillant, et elle projette d'intégrer l'Ecole du Louvre en septembre. Encore une orientation réussie.
J'ai d'autres exemples, C., notamment... Plutôt moyenne en seconde, a choisi ES et a littérallement décollé, se révélant très douée en sciences économiques et sociales... Y., plutôt bon partout, un bulletin "monochrome" (toutes ses moyennes se situant dans la même marge), en S et aimant ce qu'il fait... M., qui pouvait aller où elle le voulait et qui a choisi L, pour très bien y réussir...
Mais il y a des personnes pour qui le choix s'avère moins bon. Je vois ça en S, surtout, en tant que déléguée.
Il y a B., qui parvient à avoir la moyenne dans les matières scientifiques, mais qui excelle en anglais, espagnol et histoire, et qui se rend compte qu'il aurait bien mieux réussi en ES. Cependant, comme il arrive à garder la tête hors de l'eau en sciences, il "y arrivera". Et l'année prochaine, il va faire des langues.
Mais il y en a dont le cas est plus grave... Dans ma classe, il y a ce qu'on apelle des "erreurs d'orientation" au sens propre du therme. C'est à dire des personnes qui ont des moyennes avoisinant les 1, 2, 3 en maths et physique chimie, et dont la moyenne générale ne dépasse pas les 6. Des personnes qui, aujourd'hui, ne peuvent avoir le bac qu'à la suite d'un coup de chance un peu inespéré. Des personnes qui, en maths, n'ont pas intégré ce qu'on fait au début de la 1ere.
Il y a F., dont le prof d'anglais a dit au conseil de classe qu'il est certain qu' "elle aura au moins 19,5 au bac d'anglais". C'est déjà ça. Elle maintient la moyenne en svt, mais ne dépasse pas 5 en maths et physique. Oui mais, si elle n'a pas son bac, elle devra redoubler dans cette filière qui ne lui correspond pas ? Et bien oui. Pas de moyen pour elle de partir en L, qui lui correspondrait bien mieux.
Il y a S., qui galère partout, mais qui a pour projet d'être infirmière. S. qui se débat sans y arriver, qui ne sait pas quoi faire pour s'en sortir, qui passe le concours de l'école d'infirmières sans savoir si elle aura son bac.
Il y a A., qui a finit par tout lâcher en maths et physique-chimie, parce qu'il a trop de lacunes pour y parvenir. Le système le traîne jusqu'à là, c'est bien, mais et après ? Il a 18 ans, maintenant, qu'est-ce qu'il fera l'année prochaine, s'il n'a pas son bac ? Redoublement, lui aussi ? Mais où ça le mènera ? A une autre année d'échec, alors qu'il faudrait "tout simplement" qu'il aille dans une filière moins abstraite, qui lui plaise davantage ?
A quoi cela sert de passer jusqu'en terminale, de remplir des dossiers d'inscription, si l'on sait que l'on n'aura pas son bac, si l'on n'est pas à sa place, si on fait des choses qui ne nous plaisent pas ? Et tout ça, juste parce que les sciences sont trop valorisées par rapport aux lettres ? Est-il normal que certains cherchent à décourager les élèves de seconde se projetant vers une filière littéraire ou technologique alors qu'ils ont de bonnes notes ? "Les bons élèves vont en S. Ou en ES, à la rigueur.". Mais surtout, pourquoi n'y-a-t-il rien de prévu (ou si quelque chose est prévu, je n'en ai pas vu l'ombre...) pour ceux qui galèrent et qui voudraient retenter autre part ?
Il y la co-psy (conseillère d'orientation psychologue). Elle, je suis déjà allée la voir, elle vous donne des papiers et des brochures, sur plein de trucs. Elle donne des papiers sur la kinésithérapie, sur la fac, sur le BTS, sur la prépa, sur la filière médecine ou pharma, sur les écoles de commerce et d'ingénieur, mais, si le choix de l'élève sort un peu de l'ordinaire, elle ne sait pas. Si l'élève hésite, s'il a des questions un peu trop précises, non plus. C'est dommage, parce que j'ai entendu des profs dire, à des élèves de 16, 17, 18 ans, que de toute façon, ils avaient raté leur orientation, qu'ils s'étaient trompés de chemin, qu'on ne revenait pas en arrière.
"Bravo, tu as choisi la mauvaise direction au carrefour, maintenant la route va tout droit, donc tu n'iras pas bien loin, mon grand. Game over."